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La chatte, un trio étonnant

Le danseur de tango, passement de jambes

Nuit sur la neige, roman mélancolique

Premier amour, esthétique de l'absurde



La chatte, un trio étonnant


L'écrivaine Colette, dans son roman "La Chatte", décrit une banlieue chic de Paris dans son jus du début des années 30, dont on retrouve des traces aujourd'hui encore en se promenant à Neuilly Sur Seine. Un animal de compagnie, la chatte Saha, y fait obstacle à l'amour que se portent deux jeunes époux venant d'y emménager au dernier étage d'un immeuble neuf donnant sur la Folie Saint James. Leur appartement est trop étroit pour tout, pour échapper à la touffeur de l'été, pour retrouver une intimité de célibataire qu'ils viennent à peine de quitter, et à laquelle ils aspirent à nouveau par moments, ayant besoin de prendre du recul pour mieux construire des habitudes communes, enfin pour qu'un félin s'y épanouisse.


Un chat en carton
La chatte

La finesse et l'empathie réciproques qui caractérisent la relation entre le jeune marié et la chatte Saha en excluent l'épouse. La nuit de noce et les ébats des nuits suivantes font fuir l'animal. Enfin la haine entre la femme et le félin est si froide que l'homme ne mesure pas à quel point elle peut être violente. Ce trio est une ronde de duos exclusifs qui peinent à fusionner.




Le danseur de tango, passement de jambes


Un jour, entre deux confinements, la bibliothèque de ma ville a délesté ses rayons. Une foire aux livres dits "réformés", comme l'indique le coup de tampon sur la page de garde de chaque ouvrage. J'y ai trouvé ce roman d'un écrivain hollandais, Thomas Rosenboom, et ai donc entamé pour la première fois la lecture d'un roman batave au titre argentin.


Deux danseurs de tango
Tango

Ça commence doucement, le style est simple et sensible, un jeu de coeurs et de sentiments troubles s’installe dans un décor de ville du nord. Le héros sort de l’adolescence plus tard que la moyenne, déniaisé par une femme plus jeune que lui et pourtant déjà mûre, nourrie d’une multitude d’expériences amoureuses. Etonnant ce petit livre qui ne perd pas le nord, qui évite de se perdre dans la description de l’univers du Tango et de ses adeptes mais qui au contraire profite de la couleur unique de cette danse pour camper des personnages parfaitement croqués, différenciés, cohérents et acteurs d’une histoire bien construite. Du jamais vu cette trame rebondissante ficelée à la façon d’un polar mais adaptée sur un ton doux et patient au genre du drame romantique. L’âme de ces gens est écartelée entre besoin d’amour, de liberté et de vengeance, à l’exception d’un personnage apparemment secondaire, une femme qui se révèle d'une sagesse et d’une lucidité supérieure en fuyant les premiers rôles, qui suit sa voie et raccommode les accrocs des vies des autres quand elle le peut, sans mettre en danger sa propre ligne de vie. De la littérature à n’en pas douter, à suivre dès que ses autres livres seront traduits en français.




Nuit sur la neige, roman mélancolique


Laurence Cossé est née en 1950 mais on a l'impression en lisant son roman "Nuit sur la neige", dont la trame se déroule dans les années 30, qu'elle a vécu cette période elle-même et qu'elle aimerait y retourner. Se glissant dans le peau d'un garçon, elle imagine sa sortie de l'adolescence sur fond de crise multiforme, que l'on ne peut s'empêcher de comparer à celle qui affecte le monde au début du vingt-et-unième siècle.


Forêt enneigée, une cabane
Nuit sur la neige

Le héros du livre vit des amitiés et des amours naissantes, tout en se montrant curieux de la façon de vivre des habitants des hauts villages alpins appelés, bientôt, à devenir des stations de sport d'hiver surpeuplées, devinant que leur univers est sur le point de basculer et enregistrant leur mémoire avant que la chose ne devienne impossible.




Premier amour, esthétique de l'absurde


Dans Premier amour, Samuel Beckett nous fait réfléchir. Le livre compte à peine cinquante-cinq pages et pourtant sa lecture prend des heures. Car les phrases ont plusieurs sens possibles, ou plutôt la succession des phrases, liées ou pas entre elles, génère un sentiment d'ouverture du champ des possibles, à la façon du cubisme en peinture qui donne à voir le ressenti de l'artiste, dans un désordre apparent dicté en réalité par l'ordre de survenance de ses émotions.


Une ombre gravit des marches
Deviner l'amour

Cette cure d'absurdie raisonnée nous fait du bien. Elle n'est pas moins vraisemblable que la réalité même. L'attention nécessaire à la compréhension de ce qui se passe sous nos yeux, sur les deux pages ouvertes devant nous à un instant donné, nous fait mobiliser des neurones endormis tout heureux de contribuer à notre bonheur de lecteur. Car comment imaginer plus grand bonheur qu'avoir accès, même fugitivement, aux impressions intimes d'un génie ? Le procédé d'écriture est à la fois un vecteur d'émotion inédit et une oeuvre en soi.


Merci Beckett !




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Premier amour, esthétique de l'absurde

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