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L'Odyssée, la passion du chant
Antigone, un conseil d'ami
Théogonie, retour aux mythes
L'Odyssée, la passion du chant
Sur un stand de salon littéraire, un homme souriant se tenait assis au milieu d’une foison de livres à la couverture striée blanche. Sur les couvertures on pouvait lire L’Odyssée, d’Homère. En m’approchant, je lui dis : Homère ? Il me répondit du tac au tac, sans cesser de sourire : donc personne. Car on ne sait pas qui est Homère, et Emmanuel Lascoux, traducteur de la plus récente version française de l’Odyssée, me l’expliqua par le menu, me donnant ainsi un avant-goût de sa préface (appelée prélude) dans laquelle il expose aussi sa méthode. Il a voulu, me dit-il, restituer le chant originel des aèdes, donner à sentir en langue française le rythme des représentations d’époque. Musicien et helléniste, il était le mieux placé pour entreprendre un tel projet. Le résultat est remarquable. La lecture de cette Odyssée-là enchante, fait entrer dans un univers sonore inédit et bienvenu, à condition de subvocaliser avec soin chaque vers, exercice auquel on s’habitue somme toute très vite. Le mystère du sourire de l’auteur s’éclaircit au fil des vingt-quatre chants de l’oeuvre. Il touche au quotidien à un art proche d’un absolu fondateur, dont il prétend qu’il est le père de tous les romans, citant comme exemples de lointains descendants La nausée de Sartre ou l’Étranger de Camus.
Conscient(e) de découvrir un texte sacré pour beaucoup de femmes et d’hommes, mort(e)s ou vivant(e)s, la lectrice ou le lecteur entre dans l’atmosphère des histoires que l’on se racontait dans l'antiquité, épouse le contraste entre moments de grande émotion, avec force pleurs et gémissements, et temps de pure cruauté vengeresse. La dualité bien-mal, le respect des usages en vigueur, le bon vouloir des dieux guident le déroulement de la trame, jusqu’au dénouement en forme de chute, incluant dès cette forme ancienne l’idée d’une surprise finale. Comme l’écrit Emmanuel Lascoux dans son prélude, Homère est le terrain d’entente : les grecs le savaient bien, eux dont, avant nous, il a toujours garanti, mieux que tout « auteur », l’intercompréhension. Divisés comme ils l’étaient, en cités, en territoires, en intérêts, en paysages, en coutumes, il leur fallait une voix familière à force d’étrangeté, capable de trahir leurs particularismes, dans une langue faite sur mesure pour un vers, un vers fait sur mesure pour un chant ouvert aux différences.
Référence : lu dans l'édition d'avril 2021 (éditions P.O.L.)
Antigone, un conseil d'ami
Un ami m'a conseillé la lecture d'Antigone dans une version tarabiscotée : le texte de Sophocle a été traduit en allemand, retravaillé pour la scène, découpé en plans cinématographique et traduit en français. Le résultat est saisissant. Il faut un niveau de concentration extrême pour détecter le sens des tableaux, comme si la lecture opérait une nouvelle transformation du texte. Plus qu'une lecture, il s'agit d'une traduction à la volée de formes inhabituelles, empruntant à la fois aux chants du grec ancien, à l'esthétique et au message d'artistes allemands du siècle dernier, pour créer une oeuvre complexe et originale.
L'idée centrale est que les maux qui s'abattent sur Thèbes sont liés non pas à un défi aux Dieux, mais à la malhonnêteté d'un roi saignant ses sujets aux quatre veines et les entraînant dans une guerre censée les sauver grâce à un merveilleux butin. Créon est ce roi haï par tous, utilisant la diversion de la guerre pour faire oublier la misère qui s'abat sur ses terres. Quelle actualité !
Référence : lu dans l'édition de septembre 1992 (Ombres éditions)
Théogonie, Retour aux mythes
Dans la Théogonie d'Hésiode, paru aux éditions Les Belles Lettres en 2019, l'introduction pèse à peu près la moitié du livre. Grâce à elle on entre lentement dans la haute antiquité, au septième siècle avant JC. Puis le poète s'exprime, déroule un arbre généalogique hybride, fait de Dieux et d'Humains, de symboles et de légendes, pour permettre à ses contemporains de trouver leurs repères. A la fois utile et agréable, le texte permet d'imaginer la logique d'interprétation du monde et de ses mystères à cette époque, tout en se distrayant grâce à son rythme et au soin porté au choix des mots et des tournures.
Lire un tel livre aujourd'hui relève soit d'une quête d'érudition soit d'une curiosité rare. Ou alors on vous l'offre pour votre anniversaire et vous ne saurez jamais pourquoi, l'auteur du cadeau parlant d'opportunité de lire quelque-chose d'à la fois court et exigeant, et de coup de foudre pour la qualité d'un objet soigné, à couverture gravée et à rabats. Une fois la dernière page tournée, le lecteur est imprégné d'une atmosphère pareille à nulle autre, remontant à la nuit des temps, laissant entrevoir les sagesses précoces de l'humanité.
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Théogonie, retour aux mythes
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