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Dernière mise à jour : il y a 2 jours

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Habiter le monde, une saine curiosité

Hugo, inspirant

D'après Proust, jouissance intellectuelle

American vertigo, prémonitoire



Jouer sa vie en jouant aux échecs, philosophie du jeu


Un philosophe canadien, joueur d’échecs à ses heures, se penche sur les fictions mettant en scène le roi des jeux. Films et romans forment le tremplin d'une réflexion autour du sacrifice et de l’emprise que le jeu peut exercer sur ses adeptes. L’auteur révèle le fragile équilibre des génies des 64 cases, fuyant une réalité décevante pour vivre dans un monde parallèle où aucune tricherie n’est possible. Cette illusion est entretenue par l’absence de limites connues à l’arbre des parties possibles, offertes par des règles pourtant simples, simulant la grande variété voire l’infinité des destins terrestres en l’amputant du rôle joué par le hasard. Seule la nécessité entraînée par l’obéissance à quelques consignes contraignant le déplacement des pièces, la définition d’un gain ou d’une partie nulle, guide le joueur d’échecs. Dans les cas extrêmes, souvent illustrés par les fictions évoquées par ce livre, il perd pied en ce monde et devient fou. Il n’y a pas de salut dans l’apparent refuge que constitue l’échiquier. La sélection des oeuvres servant à étayer le propos est bien dosée, empruntant aux classiques et aux modernes, à Stefan Zweig comme à Netflix, pour mettre en lumière ces constantes du jeu.




Habiter le monde, une saine curiosité


A la suite du triomphe de Mohamed Mbougar Sarr avec sa plus secrète mémoire des hommes, en creusant on découvre un éditeur, universitaire et musicien qui porte le même nom, Felwine Sarr. L'homme a commis des livres repensant l'avenir de l'Afrique et du monde, dont Habiter le monde, aux éditions Mémoire d'encrier. Ce tout petit ouvrage (moins de cinquante pages) semble avoir été écrit le temps d'un voyage entre Dakar et Nantes, si l'on en croit la mention figurant au bas de la dernière page. Il met en avant une qualité humaine, la relation, et conseille de choisir de la cultiver partout et toujours si nous voulons survivre aux cataclysmes qui s'annoncent. L'idée est que la compréhension et le respect de l'autre, y compris et surtout de l'inconnu et de l'incompris au premier abord, est nécessaire et suffisante pour enrayer les phénomènes délétères à l'oeuvre aujourd'hui, tels que les guerres toutes plus sales les unes que les autres malgré les progrès théoriques réalisés en matière des droits de l'homme, les éxcés d'une consommation débridée ou la perte de repères individuels conduisant à des drames psychologiques au quotidien, partout dans le monde. Très bien, mais encore ? Voeu pieux ?


Bibliothèque murale. Habiter le monde
Connaître et respecter les cultures

Felwine Sarr, avec beaucoup de bon sens et des formules didactiques efficaces, souligne que sans imaginaire, rien ne se produit vraiment. Inversement, ce qui se produit est le résultat d'une imagination collective, dont l'orientation décide du résultat. En observant la nature des imaginaires véhiculés par les influenceurs à succès de notre temps, notamment les politiques élus, il devient évident que la direction est la plupart du temps destructrice. De grandes vérité sont passées sous silence, notamment au niveau de l'identité des peuples et de la façon de les faire se parler entre eux. Osons rapprocher ce concept du fameux "Think globally, act locally" de Sir Patrick Geddes, intellectuel écossais pionnier de la planification urbaine respectueuse des cultures et des moeurs.




Résister à la corruption, juridique


La corruption est un fléau et la France, toute civilisée qu'elle paraît, n'y échappe pas. Deux juristes se penchent sur le sujet, forts d'une expérience concrète vécue au sein d'une association de lutte contre ses différentes formes, toutes dûment codifiées. Le droit est ici considéré comme une solution, les auteurs proposant des aménagements des lois en vigueur censées diminuer sensiblement le risque de dérive. Aux députés que nous élisons de rebondir. Or le droit n'est qu'une composante de la solution. Il manque une vision stratégique capable de faire évoluer les autres variables de l'équation dans le bon sens, notamment un endettement excessif qui est la véritable cause d'une part de la faiblesse des moyens de la justice, d'autre part de réflexes protecteurs des citoyens les conduisant à pérenniser des moeurs claniques, régionalistes, les poussant à se serrer les coudes à l'intérieur de groupes de proximité et à savonner la planche à l'extérieur. Complété d'une telle analyse, ce pamphlet serait parfait.


Référence : lu dans l'édition de mars 2022 (Tracts Gallimard)



Rencontres clandestines, rare


Cet essai est écrit à deux mains et à deux voix, celle d'une actrice accomplie et célèbre, et celle d'un de ses jeunes admirateurs, penseur et poète. À peu près tous les grands thèmes de la philosophie y passent, avec une préférence marquée toutefois pour la philosophie de l'art, notamment du septième. La tension du lecteur est entretenue par un dévoilement progressif et incertain du personnage de Monica Bellucci, hors champ d'une caméra. Elle confirme son goût pour les lettres et instruit les lecteurs de ce qu'est selon elle une féminité positive, celle qui vaut la peine d'être mise en avant avec charme et finesse, avec une simplicité qui n'est qu'apparente.


Référence : lu dans l'édition de 2017 (L'Archipel)



Le joueur d'échecs de Maelzel, perspicace


L’intérêt de ce petit essai est sa structure en déroulement d’enquête, puissante, implacable. Le raisonnement ratisse l’ensemble des observations disponibles et les décortique une à une, leur trouvant systématiquement une cause en lien avec la solution au mystère. Ici il s’agit de savoir par quel prodige une apparente machine se montre capable de battre de bons joueurs d’échecs. Mais la méthode pourrait tout aussi bien convenir à la résolution d’une énigme policière. Malgré son ingéniosité, elle n’est pas infaillible. Avec le recul que donne l’expérience du début du vingt-et-unième siècle, le passage suivant ne tient pas : « L’automate ne gagne pas invariablement. Si la machine était une pure machine, il n’en serait pas ainsi ; elle devrait toujours gagner. Étant découvert le principe par lequel une machine peut jouer une partie d’échecs, l’extension du même principe la doit rendre capable de la gagner, et une extension plus grande, de gagner toutes les parties, c’est à dire de battre n’importe quel adversaire. Il suffira d’un peu de réflexion pour convaincre chacun qu’il n’est pas plus difficile, en ce qui regarde le principe des opérations nécessaires, de faire une machine gagnant toutes les parties que d’en faire une qui n’en gagne qu’une seule ». Le grand Poe se trompe. Il confond la conformité à la règle des coups joués et la capacité à jouer le meilleur coup. Cet argument ne permet donc pas d’appuyer la thèse selon laquelle il y a un être humain caché sous l’échiquier, bien que ce soit le cas. Heureusement, ses autres démonstrations sont, elles, très convaincantes.


Référence : lu dans l'édition de 2011 (Allia)



Hugo, inspirant


Très beau livre qui fait découvrir des textes peu connus mais si denses du Maître de la littérature du IXXème. Des genres divers sont conviés, chaque pièce ou extrait étant précédé d’un commentaire en forme de préface ou d’avertissement. On connaissait le Michel Butor champion du nouveau roman avec La modification, ici on le découvre en professeur de français (ce qu’il était) particulièrement passionné et passionnant.


Référence : lu dans l'édition d'août 2023 (Libretto)



D'après Proust, jouissance intellectuelle


Il existe des revues dites d'érudits qui pourtant ont leur place dans une bibliothèque de profane. La Nouvelle Revue Française, ou NRF, publiée par les éditions Gallimard, est de celles-là. Ses numéros ressemblent à des livres, sont des livres en réalité, composés et imprimés à la façon d'un roman, dotés de 300 pages de textes inédits écrits par des écrivains sélectionnés avec soin. Dans l'opus de mars 2013 intitulé "D'après Proust", 35 plumes se souviennent de leur lecture du grand Marcel ou de l'image qu'ils s'en font, oeuvre et écrivain formant ensemble un mythe qu'aucune force ne peut abattre.


Un stylo sur une page
L'Écrivain majuscule

Ces textes sont des jouissances pures d'intellectuels écrivants pour des intellectuels, mais tout un chacun peut en goûter l'infini. Car ces gens-là, à la fois cultivés et créatifs, passionnés et rigoureux, sont les meilleurs ambassadeurs de la Recherche, des Plaisirs et des Jours, des Pastiches et mélanges et de la légende de leur conception et de leur écriture. Même si cela est profondément injuste pour les autres, qui méritent tout autant d'être mis en avant, citons l'un de ces auteurs, un portugais nommé Nuno Camarneiro, lequel réussit la prouesse de nous faire penser à Proust et à son oeuvre sans jamais le citer ou l'évoquer autrement que par une suggestion indirecte et pourtant évidente : "... contrairement aux lois qui régissent la société, où des parlements élus les proposent et les approuvent à des jours convenus, les règles littéraires ne peuvent surgir que de l'infraction. Tant dans les oeuvres isolés que dans les manifestes collectifs, seule la transgression permet d'établir une nouvelle forme ou un nouveau dogme".


Lu dans l'édition de mars 2013 (NRF).



Comment Proust peut changer votre vie, si juste


Il existe quantité d'oeuvres gravitant autour de Marcel Proust, de sa personne, de sa vie et de ses livres. Toutes ne se valent pas. Il en est même dont le seul attrait, bien mince, est la présence du nom magique dans le titre ou le sous-titre, ces ouvrages contenant le plus souvent une ode dithyrambique au grand homme illustrée par une expérience personnelle, le témoignage d'une perception intime de son infinie grandeur ou, pire, une tentative de le critiquer qui tombe à plat.


Heureusement il existe aussi de véritables pépites littéraires sur le sujet, et Comment Proust peut changer votre vie en est une. Pourtant le titre est des plus racoleurs, y compris dans sa première édition en anglais car il a été traduit littéralement. On s'attend à un manuel naïf expliquant comment trouver sa propre madeleine, naviguer dans des sphères mondaines ou auto-analyser ses émotions. Il n'en est rien. Il s'agit d'une explication de textes, extraits de romans, de lettres, de documents divers, concourrant à cerner les grandes convictions profondes de l'auteur, et partant, ses intentions d'écrivain et les multiples indices convergents qui en témoignent. 9 convictions au total, toutes magnifiquement démontrées et appliquées à des exemples de la vie quotidienne des plus convaincants, et, bien sûr, intemporelles.


On ressort de cette lecture plus sage, plus lucide quant à la portée et aux limites de l'oeuvre proustienne, apaisé par la conscience qu'une intelligence hors du commun semble nous comprendre sans jamais nous avoir connu, signe que des vérités durables peuvent exister.


Lu dans l'édition de septembre 1998 (Pocket / Denoël).



Le Labyrinthe des égarés, clair


Dans ce livre il faut distinguer le brossage de l'histoire récente de quatre puissances, Japon, Russie, Chine, Etats-Unis, des envies exprimées par l'auteur pour l'avenir. Le premier angle est traité avec brio, la construction d'un réseau serré de frustrations réciproques étant relatée si clairement qu'on peut la lire comme un roman. La tentative de dépasser le passé pour se projeter, donc d'apprendre de l'histoire pour mieux l'orienter, est moins convaincante et confine à l'incantation. Il manque un modèle, une logique d'évolution, un bilan des forces, bref, une analyse stratégique à court et long terme pour proposer des scénarios mobilisateurs. Mais cela n'enlève rien à la valeur globale de l'ouvrage, remarquable par sa capacité à instruire sans lasser. On peut faire un parallèle entre A. Maalouf et Y.N. Harari, champion de la vulgarisation intelligente, qui partagent au moins trois qualités : la lucidité, la connaissance et le style.


Lu dans l'édition d'octobre 2023 (Grasset).



American vertigo, prémonitoire


Deux ans et demi avant l’élection de Barack Obama, BHL écrit un livre prémonitoire. À ce moment-là personne ne connait celui qui sera bientôt choisi deux fois consécutives par les américains, premier noir accédant à la présidence d’u pays souffrant toujours de son histoire raciale non assumée. Si l’auteur parvient à prévoir l’évènement, ou tout au moins à le juger probable, c’est grâce à sa démarche d’écriture. Répondant à la commande d’un grand magazine de la côte Est, il entreprend de sillonner le pays dans le but d’actualiser la vision de Tocqueville. 200 ans après la parution de De la démocratie en Amérique, il livre un essai passionnant, à la fois documenté et inspiré, voire habité car il passe une année sur place à se nourrir de la réalité du terrain. Au delà des épisodes démocrates à venir, il anticipe des regains de radicalité républicains dont il puise la cause dans l’influence grandissante des thèses philosophiques néo-conservatrices, en 2006 déjà. Il faut lire les philosophes de terrain, les meilleurs d’entre eux sont capables de visualiser des avenirs aussi déroutants que la future réalité le sera elle-même.


Lu dans l'édition de mars 2006 (Grasset).



Aphorismes dans les herbes et autres propos de la nuit, à la découverte d'une rock star


Je n'avais jamais lu Sylvain Tesson. Pourtant tous les gros lecteurs en qui j'ai confiance me conseillaient ses livres depuis des lustres. Alors lors d'un passage à Béziers je me suis propulsé vers la librairie Clareton, sur les allées, et j'ai engagé une conversation instructive avec la libraire. Grâce lui soit rendue.


Je remettais les pieds à cet endroit pour la première fois depuis près de quarante ans. Mon interlocutrice était bien trop jeune pour avoir connu le temps de mon adolescence et l'émergence de ma soif de lire, mais ne manquait pas d'expérience et de maturité pour autant. J'ai hautement apprécié sa façon de m'écouter, de rebondir à propos avec une grande justesse.


Je lui dis vouloir découvrir l’écriture de ce prodige que je n’avais jamais lu. Elle me guida vers ses aphorismes en m’aidant à décortiquer sa façon d’écrire, répondant en cela à une envie aussi réelle qu'inexprimée. Elle comprit parfaitement, a demi-mot, ce que je cherchais. Ayant lu elle-même la moitié de l'œuvre, et ayant reçu de la part de sa collègue un compte-rendu de lecture de l'autre moitié, elle a su me démontrer son savoir-faire. Car le propre d'une visite en librairie, impossible à reproduire ailleurs, est avant tout un plaisir de conversation dont on ne sait au départ où elle nous mènera, si ce n'est à combler une envie difficile à décrire.


Donc Sylvain Tesson est doué. Il faut le dire et l'écrire. Ayant lu ses "Aphorismes dans les herbes et autres propos de la nuit", je comprends pourquoi lors d'une Nuit blanche des livres à la Garenne Colombes une longue file d'admiratrices se pressait pour le voir, lui parler, le toucher peut-être. L'homme est cohérent, prend des risques, déduit son œuvre de ses expériences extrêmes, joue avec la vie à la façon d'une rock-star. C'est ce que l'on découvre page après page dans ce recueil joliment illustré à l'encre sur papier par Michel Pinosa.



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D'après Proust, jouissance intellectuelle

American vertigo, prémonitoire Aphorismes dans les herbes et autres propos de la nuit, à la découverte d'une rock star





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