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Bandes dessinées

Dernière mise à jour : il y a 13 heures

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Lucky Luke se recycle, une parodie de Lucky Luke réussie

Fritz Lang le maudit, histoire allemande

Harlem, histoire américaine

Gengis Khan et l'empire Mongol, réhabilitation de Gengis Khan

Shangri-la, dystopie spatiale

Carbone & Silicium, dystopie robotique

China Li, nostalgique

Les intégrales, humour noir par Serre

Total, globalisation philosophe

Céleste, une ambiance

Monster, monstrueux



L'incroyable histoire de la littérature française, entre rigueur et passion


Les amateurs de littérature française envient les professionnels capables de parler des grands auteurs pendant des heures, et surtout de les situer dans leur époque, dans les lieux traversés et par rapport à leurs fréquentations successives. La lecture de cette BD permet d'accélérer le processus de visualisation des vies aventureuses des écrivaines et écrivains qui ont fait les lettres de ce pays, car toutes et tous, sans exception, ont vécu des enchaînements de péripéties qui confirment l'adage : la réalité dépasse la fiction, et notamment les fictions écrites par ceux-là mêmes dont la vie est racontée. Ce pourrait être le mantra de ce remarquable ouvrage. L'équilibre entre citations, résumés des oeuvres (avertissement : ces résumés sont intégraux, divulgacheurs sans vergogne), récits de la vie des protagonistes, explications des prises de position, des affrontements et alliances, est parfaitement dosé.




Lucky Luke se recycle, une parodie de Lucky Luke réussie


L'auteur de cette bande dessinée est allemand, né à l'Est, et réalise une double performance. Il reste fidèle à l'esprit de Morris tout en y mettant sa patte. Il est évident que l'album n'appartient pas à la série d'origine ni n'essaie de la singer, mais la réinvente dans son jus.

Cheval à bascule symbolisant Jolly Jumper
Jolly Jumper dans ses oeuvres

Jolly Jumper est triste car son cavalier vedette a enfourché une nouvelle machine, la bicyclette, pour sauver un entrepreneur méritant et honnête en butte aux assauts de bandits sans vergogne, prêts à tout pour s'imposer à ses dépends dans une course cycliste. L'enjeu est économique : on comprend très vite que le gagnant prouvera la suprématie de sa monture, remisant ainsi les constructeurs concurrents au placard. Une fois transposés, modernisés, les codes de Morris restent parfaitement reconnaissables.




Fritz Lang le maudit, histoire allemande


Le réalisateur Fritz Lang est un héros de la première guerre mondiale qui n'en finit pas de surmonter rétrospectivement ses peurs. Son talent de cinéaste complet est vite reconnu par ses pairs qui n'en restent pas moins ses rivaux, le craignent, le freinent et le surpassent même parfois, de moins en moins souvent avec le temps et sous l'influence de Théa, romancière, scénariste et compagne du maître. Tous les dessins de cet album sont sombres, à l'image des années 30 en Allemagne, jouant avec les éclairages comme Fritz Lang dans ses films. La politique, omniprésente dans toutes les activités de la vie à cette époque, finit par rattraper le couple et le détruire.


Il y a peu de suspense dans ce docu-fiction graphique, dont l'objectif est plutôt tourné vers la reproduction d'une succession d'ambiances propres à faire ressentir les angoisses des protagonistes de l'époque, tiraillés entre une envie de briller et la peur de perdre leur âme. C'est pourtant dans cette lourde atmosphère que les chefs d'oeuvres intemporels de Fritz Lang ont vu le jour - au milieu de la nuit.


Référence : lu et regardé dans l'édition de mars 2022 (Les Arènes)



Harlem, histoire américaine


Mikaël, l'auteur de cette BD, a une très jolie signature. Figurant en bas à droite de la couverture de Harlem (volume 1), elle annonce des dessins élégants. La femme à la cigarette, alias Queenie, est la vedette de ses croquis, dans un style suggestif, semi-fini, le spectateur restant libre de compléter à sa guise ce qui n'est pas encore tracé. Queenie est une femme d'affaires noire de Harlem, à la tête d'un système de paris ingénieux et rémunérateur. Nous sommes dans les années 30 à New York, sur fond de faillite généralisée. Elle dirige ses hommes de main avec poigne (tout en les protégeant de la police corrompue) et parvient à faire vivre ou survivre des quartiers entiers jusqu'au jour où un rival se jure de l'abattre, commençant par s'attaquer à ses lieutenants pour l'affaiblir.


Quartier de Harlem à New York
Montée en puissance d'une femme d'affaires de Harlem

L'auteur joue avec la vérité, car cette histoire a un fond historique. Une certaine Stéphanie St. Clair aurait bien existé, habitant un immeuble cossu construit en 1917, reproduit dans les cases de Mikaël. Venant des iles françaises, elle se se serait hissé à la force du poignet et de son intelligence au niveau des élites du quartier, côtoyant juges, artistes célèbres et hommes politiques. Pratiquant une forme d'humanisme malgré sa posture autoritaire, elle aurait flirté avec la légalité sans jamais se faire prendre, comme beaucoup en ces temps de pénurie et de crise économique.


Référence : lu et regardé dans l'édition de janvier 2022 (Dargaud)



Gengis Khan et l'empire Mongol, réhabilitation de Gengis Khan


48HBD produit des bandes dessinées instructives. Ainsi, grâce à l'alliance d'une chercheuse en histoire médiévale, d'un illustrateur, d'une coloriste et d'éditeurs audacieux, l'on peut découvrir de plaisante manière l'histoire difficilement croyable, et cependant très proche de la réalité car écrite par une plume des plus légitimes en la matière, d'une dynastie de conquérants souples. Car le plus grand empire de l'histoire du monde, qui s'étendait de la mer de Chine à l'actuelle Hongrie, avait une organisation dynamique, à l'image de ses fondateurs et administrateurs fidèles à leur tradition de nomades.


Paysage Mongol, huttes à l'aube
Paysage Mongol

Avant de lire cette BD, il est possible voire probable de tenir Gengis Khan pour un dictateur sanguinaire. L'autrice le réhabilite, souligne son ouverture aux cultures des peuples soumis, son intérêt pour l'écriture, toute nouvelle à l'époque pour les mongols, qui nous permet de lire la relation de ses conquêtes aujourd'hui, et la force de ses préceptes, pérennisés par sa descendance que seule une catastrophe de l'ampleur d'une pandémie de peste rendra inopérants. Pourfendeuse de contre-vérités, dans la postface elle rend aussi le mythe de Marco-Polo à sa vraie mesure, celle d'un aventurier parmi d'autres qui a eu la chance de croiser un écrivain sur sa route, donc de passer à la postérité.


Référence : lu et regardé dans l'édition d'octobre 2020 (48HBD, petit à petit)



Shangri-la, dystopie spatiale


Mathieu Bablet fait presque tout, scénario, dessins et couleurs. Il remercie néanmoins une quantité de gens à la fin du livre (d'où le "presque"), notamment celles et ceux qui ont façonné le remarquable objet, très bien fini, que l'on hésite à appeler bande dessinée car il s"apparente plutôt aux "beaux livres", comme les libraires désignent les ouvrages richement illustrés. Si le titre évoque pour les uns l'hôtellerie de luxe, pour d'autres une lamaserie imaginée par un romancier britannique, l'atmosphère créée par l'auteur n'est ni luxueuse, ni reposante, ni propice à un quelconque abandon spirituel. En revanche, l'histoire invite à méditer sur l'avenir de l'homme et de la conquête spatiale, en particulier sur ses excès et sur les dangers d'une recherche scientifique débridée, sans contrôle.


Référence : lu dans l'édition de septembre 2016 (Ankama)



Carbone & Silicium, dystopie robotique


Justement postfacée avec passion par Alain Damasio, sorte de référence de la fiction futuriste, à la fois dans le propos et dans la forme, cette BD est la fois militante et distrayante, comme le précédent ouvrage de l'auteur. Peut-être ne l'a-t-il pas voulu, la distraction n'étant pas de mise dans un univers aussi noir. Mais l'amour est présent, le dénominateur commun de toutes les sociétés et de toutes les fictions recélant un fond d'optimisme, quelque-chose qui fait que l'humanité avance. Les avatars de cette humanité, robots et hybrides, avancent aussi à leur manière, jusqu'à devenir les héros de l'histoire.


Référence : lu dans l'édition d'août 2020 (Ankama)



China Li, nostalgique


La facture de cet objet d'édition est de bon goût, reflétant l'ambiance dans laquelle l'histoire se déroule. Dans les années 20 Shanghaï vit au rythme des trahisons et contre-trahisons des puissants. Une héroïne anonyme s'y forme à une double culture, chinoise et française, docile et libérée, ancienne et moderne, sous la houlette d'un mentor cruel avec les autres, bienveillant avec elle. Le scénario est cohérent avec l'histoire et les moeurs de l'époque et de l'endroit, très bien décrits, de manière claire et synthétique, à la fin de l'ouvrage.


Référence : lu dans l'édition d'août 2018 (Casterman)



Les intégrales, humour noir par Serre


Le déclenchement du rire est aussi rapide qu'une étincelle dans un cylindre ou que la transmission du signal dans une chaîne HI-FI. Les deux recueils "la mécanique" et "de bouche à oreille" provoquent des réactions jubilatoires. En un coup d'oeil l'intention du dessinateur est révélée. Pourtant on se sent manipulé, incapable de décoder de bout en bout le mécanisme créatif à l'origine de nos sensations. On ne le souhaite pas d'ailleurs, trop heureux de consentir à en être la cible.


Référence : lu dans les éditions de 2014 et 2016 (Glénat)



Total, globalisation philosophe


Étonnant parcours d'un entrepreneur qui s'est fait lui-même, se confiant à un psychologue déjanté réputé être le meilleur au monde. Dans quelques décennies les excès bien connus de notre civilisation ont eux-mêmes été excédés, ce qui signifie que nous sommes encore loin de sa fin. Ses réflexions sont lucides et désabusées, didactiques et intemporelles. Dans cet univers le joueur gagne, le prudent perd.


Référence : lu dans l'édition d'octobre 2021 (Denoël graphic)



Céleste, une ambiance


Les deux tomes en bande dessinée du témoignage de Céleste Albert, gouvernante de Marcel Proust, sont un petit chef d’oeuvre de création d’ambiance. Il est tellement difficile de rendre graphiquement un univers Proustien ! Les échecs des adaptations de La Recherche au cinéma ou au théâtre sont là pour nous en convaincre si besoin était. Ici le choix des couleurs, en particulier un contraste de vert et de noir très évocateur, associé à un ton respectueux de la psychologie présumée des relations entre Céleste et son écrivain, est très convaincant. On s’attend à ce que ces livres touchent un large public d’admirateurs du monde dans le monde qu’était cette vie recluse dans un appartement du huitième arrondissement de Paris. Une fois traduits, on imagine aisément ces deux opus séduire les membres des clubs Proustiens tokyoïtes ou new-yorkais après avoir touché les francophones...


Référence : lu dans l'édition de juin 2022 (Éditions Soleil)



Monster, monstrueux


Dans l’univers Manga Monster est un classique. Un jeune chirurgien japonais expatrié en Allemagne fait ses armes dans un hôpital dirigé par des hommes ambitieux et sans scrupules. Amoureux de la fille de son patron, il lui plaît tant qu’il sert les intérêt du potentiel beau-père. Dès qu’il essaie de s’émanciper de la tutelle du grand homme, sa dulcinée se fâche. Les caractères des personnages sont présentés de manière caricaturale, donnant à l’histoire un ton naïf mais efficace. Car tout va vite, on n’a ni le temps ni l’envie d’en découvrir les nuances. Confrontés à une succession de situations et de sentiments extrêmes, ils vivent à cent pour-cent. Les sauts dans le temps sont fréquents, flash-backs et coups d’accélérateurs étonnamment faciles à suivre. Les visages vieillissent et rajeunissent mais les traits restent parfaitement reconnaissables.


Référence : lu dans l'édition de mai 2023 (Éditions Kana, Dargaud-Lombard)



La trilogie berlinoise, tome 1. Fidèle


Le roman est excellent, la BD est très bonne. Il lui manque parfois un peu de liant, car faire entrer dans ce format de BD - certes luxueux et épais mais quand-même limité en taille - une adaptation du long texte d’origine, plein de détails et truffé d’une variété de personnages campés avec soin, est une véritable gageure. Le choix du dessin en ligne claire, comme indiqué en quatrième de couverture, est heureux. Il sert à merveille l’ambiance tranchée de cette époque, les bons et les méchants étant clairement identifiés comme dans un Blake et Mortimer.


Référence : lu dans l'édition de novembre 2021 (Les Arènes BD)



The nice house on the lake, innovant


Ca décoiffe. Une trame originale, qui fait appel à tous le potentiel du genre BD, avec grand placards colorés ou sombres, extraits artistiquement agrandis de courriels ou de communications sur les réseaux sociaux, listes de courses, succession de cases bien sûr, tableaux successifs suggérant des époques et des ambiances variées. On ne se lasse pas de cette lecture, toujours surprenante. Le thème central est lui-même très étonnant, propre à éveiller les curiosités les plus endormies. Le tome II est parfois un peu plus difficile à suivre que le premier. Le dénouement est à la hauteur.




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