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Hommages et biographies

Dernière mise à jour : 26 août

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Stendhal, dix-neuvième

Le dernier secret, dérangeant

Premier sang, filial

Gaston Gallimard, la référence



Stendhal, dix-neuvième


Les romans de Stendhal ont provoqué les premières émotions littéraires de nombre d'ex-collégiens. La rencontre de Julien Sorel et de Madame de Rênal, ou la scène de l'entrée du héros au séminaire, sont restées gravées dans beaucoup de mémoires. Dominique Fernandez nous le raconte à sa façon en nous présentant l'auteur et l'oeuvre à travers une courte biographie et des morceaux choisis.


Une vue sur les toits de Rome
Rome

On y découvre que le monument de Rome préféré de Stendhal est le Panthéon, que sa phrase évoquant un coup de pistolet dans un théâtre, abondamment citée, ne voudrait pas dire ce qu'on lui fait dire de nos jours, qu'il écrivait des lettres à sa soeur dans lesquelles il l'exhortait à ne pas trop montrer son intelligence (de peur qu'on la lui reprochât) et bien d'autres choses. Plaisant et instructif.


Référence : lu dans l'édition de mars 2018 (Buchet Chastel)



Musique absolue, artiste


Même les profanes connaissent les noms de Karajan ou Furtwengler. Pas celui de Carlos Kleiber. Pourtant la thèse de Bruno le Maire le met au dessus des autres, en fait un génie surplombant de simples talents. À travers cette biographie vue sous un angle original, celui d'un vieux violoniste qui l'aurait bien connu racontant ses souvenirs à un journaliste, l'auteur fait passer quelques messages : la perte d'influence de la France face à l'Allemagne, les fossés culturels séparant les deux peuples, la distinction entre les élites des uns admirant peintres et écrivains et celles des autres portant les musiciens au nues.


Référence : lu dans l'édition de mai 2014 (Folio - Gallimard)



Le dernier secret, dérangeant


Un vieil homme de pouvoir séduit Claire, une jeune femme anonyme. Petit à petit elle devient une habituée des lieux où vit le Prince, connue de tous ses proches officiels. Il a d'autres amours plus ou moins clandestines, comme la mère de sa fille Mazarine qui sera révélée au grand jour à la fin de son second mandat, plus toutes celles qu'il évoque avec ambiguïté dans ses dialogues sans fin avec l'héroïne du livre. Le témoignage direct, étayé par des documents intimes, confirme la passion du Président pour l'histoire et la littérature. Il semble les placer au dessus de tout et s'en servir constamment pour diriger ses affaires. Érudit et agile, comme il l'a souvent démontré lors de ses apparitions publiques, il mène la conversation à la manière d'un personnage de roman, incitant son interlocutrice à pratiquer à son instar l'art du sous-entendu et du paradoxe.


Référence : lu dans l'édition d'octobre 2022 (Le Livre de Poche)



Premier sang, filial


Amélie Nothomb est agrégée de philologie romane. Ses romans très accessibles montrent qu’elle sait éviter l’intellectualisme et mettre ses compétences au service de la clarté du propos et d’une beauté simple. Elle suit en cela les principes du poète, dont sa famille compte un exemple emblématique. Son grand-père paternel, mis en scène avec brio dans ce livre, tout comme une ribambelle d'ascendants, éclaire d’un jour nouveau l’originalité et la qualité de l’oeuvre de sa petite-fille. Décrit comme un excentrique doté d’une grande intelligence, il déteint facilement. Premier sang est donc à lire, car il réalise plusieurs exploits : faire une biographie de membres de sa famille sans nombrilisme, utiliser le ton de la fiction sans dénaturer la réalité, apporter du nouveau dans la légende Nothomb déjà bien nourrie, le tout en tenant le lecteur en haleine.


Référence : lu dans l'édition électronique de 2021 (Le Livre de Poche)



Ma vie avec Mauriac, élégant


Le style de cette biographie parallèle est désuet, son propos est documenté et sa parole est libre. Un homme de gauche admire un homme labelisé par la droite, labelisé et non intégré car l'intéressé est toujours resté libre, lui aussi, de penser autrement. C'est du moins la thèse soutenue dans le livre. L'auteur se dit constamment inspiré par le grand homme, sa capacité à anticiper l'essentiel, à analyser les sous-jacents clés des faits et évènements de son époque, et bien entendu à l'écrire.


Référence : lu dans l'édition électronique de 2023 (Gallimard)



Gaston Gallimard, la référence


Tous les éditeurs en herbe devraient lire ce livre avant d’investir leur premier euro. Les fondamentaux du métier sont là. Entretenir l’amitié des grands, les soutenir dans les moments difficiles, publier des séries noires pour financer la littérature, s’entourer de collaborateurs brillants et complémentaires, assumer leur statut d'auteur-éditeur-journaliste tout en niant tout conflit d'intérêt, faire des erreurs, éviter de les refaire, être dur en affaires avec les fournisseurs et les partenaires (pas avec les - bons - auteurs), soigner sa communication et sa réputation, construire pas à pas la légende de lieux, immeuble parisien ou maison de campagne, où sont admis au compte goutte quelques privilégiés, auteurs, journalistes, comédiens, éditeurs, politiques, entrepreneurs, rentiers, mécènes, flattés d’être invités dans le saint des saints. Ça a l’air facile dit comme ça. En réalité il faut une personnalité hors du commun pour y parvenir. Car cet élitisme ne peut être crédible que si son centre de gravité est lui-même une élite. Gaston pour les proches, Monsieur Gaston pour les autres, a une ligne directrice peut-être inspirée de son dilettante de père, un collectionneur d’oeuvres d’art au gout très sûr. Pour ses collections de littérature, il ne veut que du durable, des oeuvres qu’il considère comme intemporelles dès la lecture du manuscrit. C’est ainsi que selon son biographe Pierre Assouline, il ne lui manque qu’un ou deux auteurs pour réunir dans son catalogue tout ce qui compte au vingtième siècle ! Note : cette biographie ayant été écrite en 1984 et Monsieur Gaston étant décédé en 1975, il faudrait compléter ce constat par une analyse des 25 années manquantes.


Référence : lu dans l'édition de septembre 1984 (Balland).



Mémoires d'Hadrien, émouvant


Marguerite Yourcenar parvient à transmuter le savoir en émotion, à faire d'un ouvrage puisant ses sources dans une bibliographie hautement érudite un roman accessible et palpitant, sans trahir ni l'esprit ni le corps de l'empereur. La lecture des notes à la fin du livre ajoute l'histoire de l'écriture à l'histoire écrite et fait pénétrer sur la pointe des pieds dans l'univers de chercheurs pointus capables de passer des mois voire des années à débattre de la présence de telle fresque à la base de tel mur de tel monument aujourd'hui disparu, et des conséquences des différentes hypothèses afférentes.


Nombre de citations et réferences poussent le lecteur à s'interroger sur le sens de son propre temps à la lumière des enjeux d'un monarque de l'antiquité. Un exemple parmi bien d'autres : déjà au IIème siècle Kafla pointait sous Hadrien lorsque l'autrice lui fait dire "Mon but était simplement de diminuer cette masse de contradictions et d'abus qui finissent par faire de la procédure un maquis où les honnêtes gens n'osent s'aventurer et où prospèrent les bandits". Ou encore "L'adoucissement des moeurs, l'avancement des idées au cours du dernier siècle sont l'oeuvre d'une infime minorité de bons esprits ; la masse demeure ignare, féroce quand elle le peut, en tout cas égoïste et bornée, et il y a fort à parier qu'elle restera toujours telle. Trop de procurateurs et de publicains avides, trop de sénateurs méfiants, trop de centurions brutaux ont compromis d'avance notre ouvrage ; et le temps pour s'instruire par leurs fautes n'est pas plus donné aux emprires qu'aux hommes. Là ou un tisserand rapiécerait sa toile, où un calculateur habile corrigerait ses erreurs, où l'artiste retoucherait son chef d'oeuvre encore imparfait ou endommagé à peine, la nature préfère repartir à même l'argile, à même le chaos, et de gaspillage est ce que l'on nomme l'ordre des choses".


Maniement parfait de la langue, profondeur du propos et inclination poétique forment le cocktail des grandes oeuvres. À lire absolument.


Référence : lu dans l'édition de 2015 (Folio numérique).



Les blessures de Joë Bousquet, inclassable


Lorsqu'on lit des critiques de l'oeuvre de Joë Bousquet, on trouve souvent l'expression "oeuvre inclassable". Cela signifie qu'elle mêle plusieurs genres, poésie, philosophie, roman, l'auteur lui-même étant d'après des biographes tout sauf un adepte de la classification en genres littéraires. Au delà de l'oeuvre, il y a la vie, inclassable elle-même, qui y est intimement mêlée. C'est l'objet de l'analyse menée dans Les blessures de Joë Bousquet 1918 - 1939 qui permet de découvrir un auteur écrivant dans son lit, comme Proust avant lui.


Vue de la ville fortifiée de Carcassonne
Carcassonne

Joë Bousquet disait que "L'homme est quelque-chose qui doit être surmonté". On peut interpréter cette phrase de diverses manières, dont celle-ci : les imperfections de l'homme peuvent être dépassées dans l'art. Il disait aussi "La littérature n'est pas un art comparable aux autres". L'analyse de cette affirmation vaut le détour par son originalité et son actualité. Enfin, le lien constant fait entre sa situation d'infirme et sa lucidité d'écrivain évoque d'autres destins comparables et les réunit en un axiome diffus : la maladie, en particulier l'immobilité forcée, stimule la créativité au dernier degré.


Référence : lu dans l'édition de 2018 (Trabucaire).



La constellation Rimbaud, rencontres


Jean Rouaud s'attaque à la vie de Rimbaud dans un style inhabituel, les personnages rencontrés par le poète se succédant les uns après les autres selon une logique floue qui, peut-être, n'aurait pas déplue à l'intéressé. L'exception que constitue la vie de "la comète" y est bien rendue, palpable à chaque page, soulignée par l'auteur qui sans ambiguïté prend fait et cause pour son héros, contre ses critiques, fussent-ils prestigieux dans le monde des lettres. Il réhabilite aussi la soeur et le beau-frère de Rimbaud - eux-mêmes critiqués par une certaine communauté rimbaldienne - qui selon lui ont fait beaucoup pour la conservation de l'oeuvre.


Un randonneur face à une chute d'eau
Aventure

Rimbaud était un aventurier, avant et après avoir décidé d'arrêter sa production littéraire. Jean Rouaud nous explique que confronté à la réalité de la révolution industrielle, sa perspicacité hors normes l'a conduit à comprendre très tôt qu'elle aurait un tel impact sur la vie des gens qu'il fallait tout faire pour la décoder, la vivre de l'intérieur, sur le terrain, la penser aussi, contribuer à l'orienter vers les bons horizons. C'est ainsi que l'on apprend que Rimbaud fut un chef d'entreprise aux qualités humaines reconnues par des employés venant des quatre coins de la terre.


Référence : lu dans l'édition de 2021 (Grasset).



Un automne de Flaubert, enquête


Alexandre Postel a fait un exercice d'érudit en reconstituant une tranche de vie de Gustave Flaubert. Il se risque même à imaginer son acte d'écriture dans le détail, mettant en scène ce que nous appellerions aujourd'hui la sérendipité, ce phénomène créatif fait de rebonds, de suggestions, d'associations d'idées. L'auteur maîtrise la langue et nous fait comprendre à quel point c'est difficile. Il nous fait part honnêtement des doutes de l'écrivain, de sa peur d'être inutile tout en nous démontrant la profondeur de sa compétence, si longue à construire.



La sincérité et la simplicité sont les deux plus grandes qualités distinctives de ce livre, le reste, style, construction, documentation, étant de très haut niveau sans pour autant être unique. Beaucoup d'écrivains maitrisent leur langue, ce qui est une très bonne nouvelle car pour y parvenir ils ont forcément sacrifié beaucoup de choses, cru longtemps à la vertu de la beauté avant d'être reconnus comme faisant partie de ses producteurs incontestés, travaillé de longues heures en solitaire avant de recevoir les suffrages d'une foule de lecteurs anonymes garants de leur légitimité, soutenus par la seule idée que l'homme progresse en prenant du recul la plume à la main.


Référence : lu dans l'édition de 2020 (Gallimard - NRF).



Le grand coeur, ambigu


Dans ce roman, Jean-Christophe Rufin se livre par bribes sous les traits de Jacques Cœur, avouant lui-même à la fin de l'ouvrage une légère tendance à mêler biographie et autobiographie. Les points de convergence sont la ville de Bourges, une carrière internationale et une certaine vision de la vie et du monde, réelle pour l'auteur, supposée pour le héros du roman.


Maison médiévale
Bourges

On ne distingue pas facilement ce qui est vrai de ce qui est imaginé dans cette histoire d'un homme de modeste extraction devenu le négociant le plus puissant de l'occident au début du XVème siècle. Le tout est d'une grande cohérence, l'auteur a construit comme à son habitude un livre très fini, au style irréprochable comme il sied à un membre de l'académie française. C'est un roman historique, le récit reliant des points de repères historiques grâce au développement d'une empathie posthume avec son personnage central. On y apprend beaucoup de choses, en particulier une conception des relations internationales basée sur les vertus apaisantes du commerce qu'il est bon de rappeler à notre époque. Une belle lecture, un bon moment d'été, dans la chaleur de vacances méditerranéennes propices à la découverte de Jacques Cœur, un passionné de mer, d'orient, de soleil et de vent.


Référence : lu dans l'édition de 2014 (Folio).



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