Je n'avais jamais lu Sylvain Tesson. Pourtant tous les gros lecteurs en qui j'ai confiance me conseillaient ses livres depuis des lustres. Alors lors d'un passage à Béziers je me suis propulsé vers la librairie Clareton, sur les allées, et j'ai engagé une conversation instructive avec la libraire. Grâce lui soit rendue.
Je remettais les pieds à cet endroit pour la première fois depuis près de quarante ans. Mon interlocutrice était bien trop jeune pour avoir connu le temps de mon adolescence et l'émergence de ma soif de lire, mais ne manquait pas d'expérience et de maturité pour autant. J'ai hautement apprécié sa façon de m'écouter, de rebondir à propos avec une grande justesse.
Je lui dis vouloir découvrir l’écriture de ce prodige que je n’avais jamais lu. Elle me guida vers ses aphorismes en m’aidant à décortiquer sa façon d’écrire, répondant en cela à une envie aussi réelle qu'inexprimée. Elle comprit parfaitement, a demi-mot, ce que je cherchais. Ayant lu elle-même la moitié de l'œuvre, et ayant reçu de la part de sa collègue un compte-rendu de lecture de l'autre moitié, elle a su me démontrer son savoir-faire. Car le propre d'une visite en librairie, impossible à reproduire ailleurs, est avant tout un plaisir de conversation dont on ne sait au départ où elle nous mènera, si ce n'est à combler une envie difficile à décrire.
Donc Sylvain Tesson est doué. Il faut le dire et l'écrire. Ayant lu ses "Aphorismes dans les herbes et autres propos de la nuit", je comprends pourquoi lors d'une Nuit blanche des livres à la Garenne Colombes une longue file d'admiratrices se pressait pour le voir, lui parler, le toucher peut-être. L'homme est cohérent, prend des risques, déduit son œuvre de ses expériences extrêmes, joue avec la vie à la façon d'une rock-star. C'est ce que l'on découvre page après page dans ce recueil joliment illustré à l'encre sur papier par Michel Pinosa.
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